6 Octobre 2011
Ce roman est remarquable. Touchée au plus profond de son être, Delphine de Vigan dévoile les affres de la vie quotidienne auprès d'un proche malade, sa mère Lucille. Le roman s'ouvre sur la mort de Lucille et son suicide.
Loin de deviner ce qui m'attendait à l'ouverture de ce roman, j'ai fait ce choix de la lire car Marion, la fille de ma meilleure amie avait étudié un roman de cette auteure "No et moi" en cours. Elle l'avait lu plusieurs fois, certes elle est plutot sérieuse, mais là son enthousiasme était perceptible et m'incitait à le lire. Aussi je lui ai fait confiance les yeux fermés.
Au départ, j'ai fortement sourcillé lors des premières pages, je lisais l'histoire sombre d'une famille, celle de Lucille, de ses parents et ses frères et soeurs "encore une histoire de famille", et cette famille "elle en traine des casseroles". Je ne faisais pas vraiment le lien entre l'histoire de famille et le suicide de Lucille. J'ai regretté un tant soi peu ma lecture, ne me sentant pas à l'aise dans cette intimité familliale.
Jusqu'aux passages de plus en plus éloquent, Delphine de Vigan insiste beaucoup sur ce fait que l'histoire de Lucille est fictionnelle, racontée d'après les souvenirs des 9 frères et soeurs de cette dernière, d'apres des témoignages, des lettres, ce qu'elle raconte est vrai mais elle le retrace, à travers ce que les autres ont vécu. Elle écrit la vie de sa mère, avec une distance assez essentielle, afin que nous imaginions la petite fille qu'a été Lucille.
Puis, l'écrivain arrête sa narration et enfin emploie le "Je", le processus qui s'ensuit est excellent, il n'est plus question de voyeurisme intempestif, comme ce que j'ai ressenti au tout début seul subsiste la question du "Pourquoi le suicide de ma mère?" j'éviterai de raconter la belle histoire de Lucille, car elle est à découvrir tout comme la femme qu'elle était.
Delphine de Vigan réussit un tour de force, jamais elle ne baisse les bras pour écrire cette hisoire, qui la taraude. Loin de laver le linge sale en famille, elle avance, elle doute souvent sur ce qu'elle écrit, hésite sur l'idée de publier son histoire, elle trouve des ressources, elle "emmerde tout le monde" pour la citer, elle agence les évènements pour rendre son récit humain, et pose des limites, elle ne confie pas tout et heureusement. Elle écrit, ce n'est pas uniquement une histoire, un témoignage familliale, elle déroule le processus de son travail d'écrivain, le travail qu'elle fournit est dense et libérateur. Ecrire sur Lucille est un besoin vital, tout du moins je l'ai ressenti comme tel.
Delphine de Vigan amène une réflexion sur la maladie mentale, elle explique la souffrance de sa mère, alors que Lucille s'isole, s'enferme avec sa douleur, elle s'étiole et décline, elle perd le contrôle et sa raison petit à petit. Delphine de Vigan dut très jeune faire face aux crises de délires de sa mère, bien souvent suivis d'internement. Elle soulève la problématique des traitements chimiques, de la difficulté d'assumer un quotidien, un travail, une vie de famille normale. Là aussi, pas de grand discours, pas d'apitoiement, pas de terminologie médical, l'art de transmettre en toute simplicité.
Et pourtant Lucille arriva à surmonter, à tenir, comme l'explique Delphine de Vigan. Elle analyse de front les causes de la maladie de Lucille, autant de violence et de douleur ne sont pas toujours supportable surtout quand elles proviennent de personnes qui nous sont chers. Elle dénonce cet acte de violence, ne juge pas à quoi bon et depuis je réfléchis beaucoup à tout cela, à la manière dont cette violence là s'exprime insidieusement.
Assurément d'avoir converti en lignes d'écritures tant de souffrance rend plus fort, Delphine de Vigan n'a pas échappé à ce démon intérieur de l'écriture, qui pousse l'écrivain à écrire si bien lorsque son âme souffre. Delphine de Vigan montre sa Lucille, sa mère comme vunérable, sensible, forte, malade mentale mais loin d'être une folle et lui transmet au final tout son amour, c'est sincère et ça se sent!