24 Septembre 2011
FREEDOM est actuellement présentéecomme un chef d'oeuvre, médiatisé comme le roman qu'il faut lire (Un Must), critiqué par tous les professionnels, chroniqué dans les médias presse écrite, radio et télévisuelle (Franzen est même en promo en France, il était l'invité de ça balance à Paris sur Paris Première ce jour), beaucoup d'éloges au style ampoulé, j'avais lu quelques avis avant de me jetter à l'eau ... Alors qu'en est-il? Je ne suis qu'une lectrice déçue d'avoir du refermer ce livre ce matin. Je ne suis pas critique, et je vais essayer d'évoquer cette lecture de la manière la plus cncrète. J'ai hésité à entamer cette lecture, la peur d'un roman peu accessible, et ce n'est pas le cas. Comme tout roman de 700 pages, il faut s'accrocher et quel plaisir au final!
Freedom raconte l'histoire de la Famille Berglund, Walter et Patty et leurs enfants, Jessica et Joey. Le récit s'ouvre avec Patty, issue d'une famille aisée juive, étudiante sportive et amibitieuse , elle fait connaissance avec Richard Katz , une musicien chevronné. Richard partage une co-location avec Walter Berglund. Walter est l'étudiant modèle, originaire d'une famille modeste du Minessota, une personne fiable et.sympathique Walter et Richard sont amis depuis des lustres. Richard admire Walter, cependant c'est Richard qui attire les faveurs de la gente féminine. Quand Patty rencontre Walter, elle lui préfère Richard, mais voila Richard sait qu'elle plait à Walter...Le roman s'ouvre sur ce trio et cette période de leur vie d'adulte commençante, par la force des choses Patty choisit Walter...A ce stade, l'histoire parait comme simple.
Puis, le récit s'intensifie, c'est un journal rédigé par Patty. Mariée à Walter, elle se raconte et les personnages se construisent, leur enfance, leur famille, les premières fêlures familiales, puis la vie avec Walter et la dépression de Patty, qui se traduit par un amour inconditionnel pour son fils Joey. Les difficultés s'accentuent, le tableau se dresse. Walter devenu avocat, travaille d'arrache pied. Patty s'occupe de Jessica et Joey, Joey fuit Patty pour s'installer chez sa petite amie Connie. Il forme un drôle de couple d'adolescents, leur relation est très ambigue, et déconcertante, presque vide de sentiments, Richard plane sur les Berglund vie comme un souvenir, il poursuit sa route, écrit des chansons, fonde plusieurs groupes de musique et reste l'ami de Walter. Pourtant, lui et Patti reste toujours en trouble.
Jusqu'à 2004, ou tout se précipite pour la famille Berglund : l'éclatement de la famille, les membres s'éloignent ne se parlent plus ....Le coeur de l'histoire se déroule sur cette année, et le récit s'étoffe également, le personnage de Joey prend une dimension inattendue, il catalyse le comportement post 11 Septembre 2011, et l'engouement de soutien pour la guerre en Irak. Walter s'engage avec son assistante Lalitha, dans un trust écologique financé par un magnat du pétrole, pour protéger la paruline azurée. Patty est ravagée par sa dépression et retrouve Richard, la crise conjuguale est là.
Jonathan Franzen a l'art de la précision, rien n'est laissé au hasard dans ces portraits, il montre à quel point les membres d'une famille se sont délités, en même temps que leur époque et au rythme des changements . Une ambiance mélancolique plane, surtout avec les portraits féminins dépressifs de Patti et Connie, l'amie de Joey fortes et marquantes à leur manière. Il passe au crible ce début des années 2000, rend compte d'une période rude pour les esprits avec cette haine envers les pays arabes, implicite. Il suffit de prendre l'avion hors zone Europe, pour sentir cet état de fait pesant!
Le personnage de Walter a obtenu ma préférence, pour son attachement à son épouse, je reconnais avoir manquer d'empathie envers Patty et Joey. Walter m'apparaissait comme le seul à garder la tête hors de l'eau face aux problèmes, pro écolo, marquant quant à ses idées sur la sur population. Son engagement professionnel pour le trust écologique permet d'apprécier la limite de l'intéret, porté à l'écologie. Là aussi, à travers ce personnage, Franzen met l'accent sur la liberté individuelle si chère à ce pays qu'est l'Amérique, rien ne permet de douter des convictions et motivations de Walter, qui vont s'écrouler comme neige au soleil : à l'image de ces projets si prometteurs pour préserver cette espèce la Paruline azurée. Ce projet qui ne pourrait trouver qu'une issue favorable à la condition qu'il rapporte et genère du profit à ceux qui investissent du capital!
Le titre FREEDOM est surtout là pour éveiller la conscience, et à partir de cette intrigue familiale Franzen amorce ce virage de la reflexion sur la situation de crise mondiale, et cette course éffrénée au capital et au profit (surtout lorsque Joey intervient dans le commerce de matériel militaire pour les soldats basés Irak), sur l'absence de responsabilité des politiques. Ce virage politique est négocié, amené avec finesse, et s'inclut sans trop de difficultés dans la vie des personnages, sans pour autant en faire un pamphlet dérangeant ou le lecteur est mal à l'aise.
Il n'est pas étonnant de se sentir autant en phase avec ce que Franzen écrit, sa reflexion est juste et pertinente. Son regard traduit cet état de fait, que tout à chacun est prêt à sacrifier un peu de sa liberté pour nourrir des ambitions parfois à son propre détriment, les états dépressifs de Patti et Connie sont assimilables à des pathologies chroniques, révélatrices de cette perte de leur liberté d'être et de penser. Que dire de plus sur ce roman qui dépeint l'ère du temps, et sans complaisance? Franzen est l'auteur d'une époque, certes il observe la société, et pour cela il utilise un microscope.
Ce n'est pas par hasard si la semaine dernière, j'ai présenté ma LC d'Anna Karénine, ma lecture de FREEDOM me rappelait étrangement ma lecture d'Anna Karénine. Le chroniqueur de Ca balance à Paris a exprimé le même ressenti. Le rapprochement avec Tolstoi est induit de part l'intensité du récit, un trio amoureux, une héroine forte, mère et dépressive, une époque contemporaine l'Amérique de Bush, une narration qui n'en finit plus comme je les aime, sans ennuis. Et surtout, le clin d'oeil à Tolstoi car l'héroine Patti de Freedom lit Guerre et Paix.
Une note sur la fin, Walter a sa manière concrétise son projet en toute simplicité, une note évidente. Jusqu'à la fin Franzen se révèle soigné, dénouement attendu et sobre. Rassurez vous, je suis loin à travers ces quelques lignes de vous avoir livrer les secrets de ce roman, j'ai juste essayé d'apporter un peu d'eau au moulin, et ce roman mérite je crois plusieurs lectures. J'ai pris beaucoup de notes durant ma lecture, des détails, des interrogations, la structure aussi, le titre du journal de Patty que je vous laisse découvrir. Jonathan Franzen est également l'auteur des Corrections.